Morceaux choisis du livre de Mona Ozouf, composition française, retour sur une enfance bretonne.
« quand je réfléchis à la manière dont les français ont senti, pensé, exprimé leur appartenance collective, deux définitions antithétiques me viennent à l’esprit. Elles bornent le champ de toutes les définitions possibles de l’identité nationale. L’une lapidaire et souveraine, « la France est la revanche de l’abstrait sur le concret », nous vient de Julien Benda. L’autre précautionneuse et réverente, « la France est un vieux pays différencié. » est signée d’Albert Thibaudet. Rien de plus éloigné que ces deux conceptions de l’idée nationale. La France de Benda est un produit de la raison, non de l’histoire. Une nation politique et civique, faite de l’adhésion volontaire des hommes, surgit du contrat, bien moins héritée que construite. Une nation dont la simplicité puissante, obtenue par l’éradication des différences, unit toutes les communautés sous les plis du drapeau. La France est alors la diversité vaincue.
De l’autre côté, celui de Thibaudet, la France, ni civique ni politique faite de l’identité ethnique et culturelle des « pays », au sens ancien du terme, qui la composent; fruit des sédimentations d’une très longue histoire; concrète et non abstraire; profuse et non pas simple; faite de l’épaisseur vivante de ses terroirs, de ses paysages, de ses villages, de ses langages, des milles façons de vivre et de mourir qui se sont inscrites dans la figure de l’Hexagone. La France, cette fois, c’est la diversité assumée. »
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